On dit souvent dans la blogosphère des régimes LCHF que les glucides sont inutiles. Combien de fois a-t-on entendu : « Les protéines et le gras sont essentiels, les glucides ne le sont pas…. Vous ne pouvez réduire que dans une certaine mesure les protéines et le gras, mais vous pouvez réduire considérablement les glucides. »
Le Dr Michael Eades s’est moqué de l’idée d’une maladie due à une carence en glucides en tenant ces propos dans son livre « le pouvoir des protéines » :
« Existe-t-il des maladies dues à une carence en glucides, monsieur Harper, que vous connaissez et que le reste du monde de la nutrition ignore ? Je vais vous expliquer : il n’y en a pas. Mais il existe des maladies liées à une carence en graisses et en protéines dans tous les manuels de médecine interne. »
Dr Michael Eades
Je suis un adepte des régimes paléo, je n’ai jamais été fan des régimes extrêmes, quels qu’ils soient, je n’ai jamais réduit mes glucides à zéro, et je continue à manger des fruits, du riz etc… Pourquoi ? Parce que je ne compte plus le nombre de clients que je récupère après qu’ils aient suivi les conseils erronés de praticiens qui leur recommandent des régimes LCHF extrêmes et inadaptés à leurs profils.
Et ils viennent me voir, car en effet plusieurs problèmes de santé leur font réaliser que cette approche drastique de la nutrition est erronée, ils le ressentent sur le long terme. Dernièrement, on a même vu un influenceur adepte du régime carnivore, le Dr Paul Saladino, qui a expérimenté le carnivore pendant des années sur sa propre personne, faire marche arrière pour les mêmes raisons que je viens de citer. Cela n’a pas manqué de créer l’événement et de l’exposer à la frange fanatique du clan carnivore qui n’a pas oublié de le critiquer sèchement pour ses déclarations et sa trahison au clan, pourtant ses arguments sont honnêtes et sincères.
Je vous propose dans cette série d’articles de vous expliquer pourquoi je ne recommande pas ce genre de régime sans glucides.
Pourquoi les maladies dues à une carence en glucides ne sont-elles pas connues ?
Vous êtes-vous déjà demandé comment les médecins décelaient les maladies liées à de carence nutritionnelle ? Ce n’est pas aussi facile qu’on pourrait le penser. Par exemple, l’existence de maladies dues à une carence en acides gras essentiels chez l’homme était mise en doute jusque dans les années 1950, même si la maladie due à une carence en oméga-6 avait été découverte et caractérisée chez le rat dans les années 1920. (1) La raison en est que les carences en oméga-6 et oméga-3 ne peuvent survenir que dans le cadre d’une alimentation non naturelle. D’ailleurs ce sont des nourrissons nourris avec des préparations sans gras dans les années 1940 et 1950 qui ont fini par prouver l’existence d’une maladie due à une carence en oméga-6 chez l’homme.
Pour ce qui y est des carences en glucides, deux difficultés ont rendu difficile pour la science de déceler ce syndrome :
- Absence de modèle animal.
- La rareté des régimes sans glucides chez les humains.
Jusqu’à récemment, peu de gens, à l’exception des Inuits, suivaient un régime très pauvre en glucides, et les Inuits ne conservaient pas de bon suivi de dossiers médicaux. En conséquence, peu ou pas d’humains ont développé ou été détectés pour des syndromes de carence en glucides.
Cela ne poserait pas de problème s’il était possible de provoquer une carence en glucides chez les animaux. Ce n’est malheureusement pas le cas.
Les animaux ne souffrent pas de maladies dues à une carence en glucides car ils ont un petit cerveau, ce qui signifie de faibles besoins en glucose, et un gros foie, ce qui signifie une capacité de production de glucose élevée (néoglucogenèse). Les animaux peuvent générer tout le glucose dont ils ont besoin à partir de protéines ou d’acides volatils comme le propionate produit par fermentation bactérienne dans leur tube digestif.
Mais, comme nous le constatons, notament dans le livre « Perfect Health Diet » de Paul Jaminet,les humains sont plus exposés à ce genre de carences. Nous avons un petit foie et un gros cerveau, et la possibilité d’une carence en glucose est donc réelle.
Voici une comparaison des tailles du cerveau, du foie et des intestins chez l’homme et chez d’autres primates (2) :
Organe | % du poids corporel, humains | % du poids corporel, autres primates |
Cerveau | 2.0 | 0,7 |
Foie | 2.2 | 2.5 |
Intestin | 1.7 | 2.9 |
Le cerveau est le principal déterminant des besoins en glucose. Alors que les autres primates n’ont besoin que d’environ 7 % d’énergie sous forme de glucose ou de cétones, les humains en ont besoin d’environ 20 %.
Comparé aux autres primates, le foie des humains est 12 % plus petit. Cela signifie que nous ne pouvons pas fabriquer autant de glucose à partir de protéines ou de gras que les animaux. Les humains ont également un intestin 40 % plus petit. Cela signifie que nous ne pouvons pas fabriquer de nombreux acides gras à chaîne courte, qui fournissent des cétones ou des substrats glucogéniques, à partir de fibres végétales.
Ainsi, alors que les animaux peuvent satisfaire leurs minuscules besoins en glucose (5 % des calories) dans leur gros foie, les humains ne sont peut-être pas en mesure de répondre à leur gros besoins en glucose (20 à 30 % des calories) à partir de notre petit foie.
Ainsi, toute maladie due à une carence en glucides ne frappera que les humains, pas les animaux.
Comment rechercher une maladie due à une carence en glucides ?
Pour trouver un syndrome de carence en glucides chez l’homme, nous devons examiner les populations qui suivent un régime très pauvre en glucides, telles que :
- Les Inuits sur leur régime de chasse traditionnel.
- Patients épileptiques traités avec un régime cétogène.
- Les personnes suivant un régime très pauvre en glucides, qui ont adopté un régime pauvre en glucides au cours des 10 dernières années alors que le mouvement LCHF prenait de l’ampleur.
Nous devrions également avoir une idée du type de symptômes que nous devrions rechercher. Les principales parties du corps consommant du glucose sont :
- Cerveau et nerfs.
- Système immunitaire.
- Intestin.
Le corps met tout en œuvre pour garantir que le cerveau et les nerfs reçoivent suffisamment d’énergie, de sorte que les déficits en glucose sont plus susceptibles d’apparaître dans la fonction immunitaire et intestinale.
Nous avons donc cartographié notre projet. Au cours des articles à venir, nous étudierons les preuves d’une carence en glucides chez l’homme.
Les références
(1) Holman RT. La lente découverte de l’importance des acides gras essentiels oméga 3 pour la santé humaine. J Nutr . 1998 février ; 128 (2 Suppl) : 427S-433S. http://pmid.us/9478042
(2) Aiello LC, Wheeler P. L’hypothèse coûteuse des tissus : le cerveau et le système digestif dans l’évolution de l’homme et des primates. Anthropologie actuelle 1995 (avril); 36(2):199-211.